Photo essay :  "Mes nuits sans toi" - "My nights without you" introduce by Richard Morgiève :
Elle m’a demandé si je voulais écrire un texte pour cette exposition, elle souriait et moi je regardais sa dent, cet éclat de calcaire comme un bouchon dans un diamant.
Je me disais cette femme que je ne connais pas ou si peu me demande des mots contre un sourire avec un déficit de valeur, car si on achète un sourire on le veut parfait.
Mais cet éclat de calcaire diminuait-il la valeur de ce sourire ?
En quoi ce sourire problématique me concernait-il réellement, si ce n’est par l’engagement que je prenais de voir les photographies de cette femme appelée Stéphanie Dupont Braunschweig (SDB=sans dent blanche ?).
Avait-elle une dent contre moi ?
C’était compliqué il fallait que je voie les photographies ; elles me sont parvenues dans un cahier et au nombre de dix-neuf.
Pas vingt pas dix pas neuf, dix-neuf. Un chiffre absolument contestable et donc énigmatique, en quelque sorte un appendice à Da Vinci Code.
Peu à peu parcourant immobile l’exposition fractionnée dans le cahier beige, l’effroyable vérité m’est apparue, l’éclat de calcaire était un éclat de peine, le signe d’un mauvais œil jeté au futur et balayant le passé d’un sale revers de main.
Stéphanie DB avait empoigné son appareil de photographie pour se suicider, sur la couche du papier argentique avait imprimé le corps du fantôme, cet homme mal foutu et complètement con qui obscurcissait une de ces dix-neuf photographies.
Et je comprenais que Stéphanie DB se sentait déjà vieille et qu’elle disait en silence : « Ne me prenez pas c’est déjà trop fait ». Elle se tournait vers Dieu qui n’en avait rien à fiche. En désespoir de cause, frappée de déréliction, elle couvrait sa pellicule comme on engrosse une bête. Au terme de cette accablante pollution, elle rencontrerait la mort mais c’était son problème.
On n’en était pas encore là, on en était à vivre elle et moi, moi pris dans le lacet écarlate du noeud de mon épouse magnifique, elle dans l’objectif d’être vue à toute force pour ce qu’elle était, indécemment nue et faussement floue.
Narcisse bien sûr mais il faudra expier, pomper Nadar ne suffit pas. Tu penses t ‘en sortir par sur un chemin qui s’en va clore l’histoire ou par des fesses données contre un regard, mais las ! Tout est joué d’avance ! Tout est contaminé par un détail lugubre mais anodin pour tous les imbéciles qui s’entassent partout aux vitrines espérant voir à tout prix ce qui n’en a pas : par exemple cette dent unique et son éclat.
Ainsi ne regardez aucune photographies exposée pour ce qu’elle semble être. 
Plus tard en suivant le cours des flots du goudron acceptez de découvrir en chaque femme croisée la solitude des photographies de Stéphanie DB ;
et cetera.
Richard Morgiève

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